Sous moi donc cette troupe s'avance,
Et porte sur le front une m�le assurance. Nous part�mes cinq cents; mais par un prompt renfort
Nous nous v�mes trois mille en arrivant au port,
Tant, � nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus �pouvant�s reprenaient de courage !
J'en cache les deux tiers, aussit�t qu'arriv�s,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouv�s;
Le reste, dont le nombre augmentait � toute heure,
Br�lant d'impatience, autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit
Passe une bonne part d'une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de m�me,
Et se tenant cach�e, aide � mon stratag�me;
Et je feins hardiment d'avoir re�u de vous
L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne � tous.
Cette obscure clart� qui tombe des �toiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles;
L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort Les Maures et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer ; tout leur para�t tranquille;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en m�me temps
Poussons jusques au ciel mille cris �clatants.
Les n�tres, � ces cris, de nos vaisseaux r�pondent;
Ils paraissent arm�s, les Maures se confondent, L'�pouvante les prend � demi descendus;
Avant que de combattre ils s'estiment perdus. Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre;
Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu'aucun r�siste ou reprenne son rang. Mais bient�t, malgr� nous, leurs princes les rallient,
Leur courage rena�t, et leurs terreurs s'oublient
La honte de mourir sans avoir combattu
Arr�te leur d�sordre, et leur rend leur vertu.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges;
De notre sang au leur font d'horribles m�langes.
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage o� triomphe la mort. � combien d'actions, combien d'exploits c�l�bres
Sont demeur�s sans gloire au milieu des t�n�bres,
O� chacun, seul t�moin des grands coups qu'il donnait,
Ne pouvait discerner o� le sort inclinait !
J'allais de tous c�t�s encourager les n�tres,
Faire avancer les uns et soutenir les autres,
Ranger ceux qui venaient, les pousser � leur tour,
Et ne l'ai pu savoir jusques au point du jour. Mais enfin sa clart� montre notre avantage;
Le Maure voit sa perte, et perd soudain courage
Et voyant un renfort qui nous vient secourir,
L'ardeur de vaincre c�de � la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les c�bles,
Poussent jusques aux cieux des cris �pouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans consid�rer
Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.
Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte;
Le flux les apporta, le reflux les remporte;
Cependant que leurs rois, engag�s parmi nous,
Et quelque peu des leurs, tous perc�s de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
� se rendre moi-m�me en vain je les convie :
Le cimeterre au poing ils ne m'�coutent pas;
Mais voyant � leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls d�sormais en vain ils se d�fendent,
Ils demandent le chef; je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en m�me temps; Et le combat cessa faute de combattants.
Le Cid, acte 4, sc�ne 3 | Under me the troop advanced,
Displaying all its manly confidence. We were five hundred, but with swift support
Grew to three thousand as we reached the port,
So that seeing us marching to that stage,
Those most terrified found new courage!
Arriving, I hid quite two thirds of the men
In the holds of the vessels there, and then
The rest, whose numbers now increased hourly,
Devoured by impatience, gathering round me,
Lay down on the ground, where in silence
The best part of a fine night was spent.
At my command the guards did the same,
And, staying hidden, helped my stratagem;
Then I boldly feigned to owe to you
The orders they and I would then pursue.
The faint light cast from every distant star
Showed thirty ships now crossing the bar;
The waves swelled beneath, and their effort Brought the tide-borne Moors within the port.
We let them pass; all appearing tranquil;
No soldiers at the port, the city still.
The calm we maintained deceived their eyes.
They, believing they’d achieved surprise,
Fearless, closed, anchored, disembarked,
And then they ran against us in the dark.
We leapt up on the instant, copious cries
Uttered by our troops, rose to the skies.
Others echoed from our anchored fleet; Thus the Moors’ amazement proved complete,
Terror seized them just as they were landing.
They knew defeat, prior to any fighting. They thought to pillage, but met with slaughter.
We pressed them on land, and on the water,
And high their blood lifted like a fountain,
Before they could resist, re-group, again. But soon, in spite of us, their princes rallied,
Their courage was revived, their terror fled:
The shame of dying, without act of war,
Quelling confusion renewed their valour.
They drew their scimitars against us swiftly;
Mingling our blood with theirs most horribly.
The river, fleet, the port, the shore, the main,
Were sites of conflict now, where death did reign. O countless the brave acts, courageousness
Concealed itself from knowledge in the darkness,
Where each, the sole true witness of his blows,
Could not discern whose side fortune chose!
I rushed everywhere, encouraging our men,
Making these advance, supporting them.
Deploying new-comers, urging them on,
Nor could I judge the outcome till the dawn. But, at last, light showed us our advantage;
The Moors faced defeat, and so lost courage:
And seeing our reinforcements on the way,
Fear of death destroyed their hopes with day.
The re-gained their ships, they cut the cables,
Their dreadful cries rose high above the gables,
They retreated then, without considering
The action their kings were undertaking.
Their terror was too great to think of duty;
The tide that brought them on now helped them flee;
Yet their kings were still engaged in battle,
Handfuls of their men, pierced by our metal,
Disputed valiantly, sold their lives dearly.
In vain I begged them to surrender to me:
Scimitars in hand they would not listen;
But seeing their men fall all around them,
And that they were fighting on unshielded,
They sought our chief: answering, they yielded,
I sent them to you, with due compliments; The war then ceased through lack of combatants.
Le Cid Act IV, Scene III |